Isolateur disciplinaire (chtrafnoi izoliator / chizo)



Vestiges


Plan de l'isolateur disciplinaire

Dans l’angle nord-est, séparé du reste du camp par sa propre enceinte de barbelé, se trouve l’isolateur disciplinaire. Une petite porte ménagée dans l’enceinte générale du camp permet aux gardes de s’y rendre directement depuis leurs baraques, sans devoir passer par l’entrée principale. Entièrement construit en madriers, ce bâtiment est le plus solide de tout le camp. On y accède par un vestibule (B3-1) qui fait office de sas thermique. A gauche de ce vestibule, une petite pièce (B3-2) sert de vestiaire ; un alignement de clous plantés dans la paroi permet d’accrocher des vêtements, des armes, … À droite se trouve le local de garde (B3-3), seule pièce de l’isolateur à être pourvue d’un poêle. Ce local donne accès aux trois espaces de détention : deux étroits cachots individuels (B3-5 et B3-6), dont le seul aménagement est une banquette de bois contre le mur, et une cellule plus grande (B3-4), pouvant accueillir plusieurs détenus ; cette dernière est pourvue d’un banc en son centre. Les trois pièces possèdent une petite fenêtre haute et fermée de barreaux, donnant sur l’extérieur, ainsi qu’une ouverture, également à barreaux, au-dessus de la porte. Les portes, doublées à l’intérieur d’une plaque de fer, se ferment avec deux lourdes barres métalliques.


Retrouvons l’archéologue Jérôme André pour une visite guidée de la prison. Entretien enregistré le 13 Août 2019.




Retrouvons l’étudiante suisse Chiara et l’étudiante russe Dasha à l’intérieur de l’une des cellules. Entretien enregistré le 18 Août 2019.






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Entrée de l’isolateur
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Local de garde. Au centre de la pièce, amoncellement de briques indiquant l’emplacement du poêle, aujourd’hui démoli.
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Anneau de fer servant à la fermeture de la porte d’un cachot.
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Cachot (B3-5) avec sa fenêtre à barreaux
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Les parois des cachots portent nombre de graffitis inscrits dans le bois par des détenus (et par des visiteurs après l’abandon du camp).





Témoignages


Bien que les camps du projet 501-503 soient déjà des prisons en eux-mêmes, on y trouvait des cellules disciplinaires dans lesquelles les détenus pouvaient se retrouver pour diverses raisons. Ces dernières nous sont exposées par des témoins tels que A. A. Snovski, V. D. Bassovki ou encore M. M. Solovieva.


Alexandre Albertovitch Snovski, ancien prisonnier du projet 503

« Une fois alors que j’étais assis et me reposais avec les autres, une sorte de haute commission passa par là. Ils me virent assis : « Ah ah… au CHIZO ! » Et voilà, je me retrouvais avec les voleurs pour quelques jours : 200 grammes de pain et un demi-litre d’eau quotidien. Pas de fenêtre, une loupiotte couverte d’une grille, une tinette dépolie qu’ils changeaient une fois par jour… »
(Projet N°503 (1947-1953) Documents. Documentation. Recherches., Fascicule 2, p.136)


Margarita Mikhaïlovna Solovieva, ancienne organisatrice culturelle sur le projet 503

« Mais il y avait aussi un isolateur disciplinaire. On y mettait celles qui disaient des obscénités. C’est arrivé qu’une prisonnière insulte un chef et qu’ils l’envoient là-bas. Dans la cellule, on vous nourrissait ainsi : un demi-litre d’eau et un bout de pain pour toute la journée. Si vous ne vous vouliez pas travailler, vous vous frappiez les talons avec une grosse cuillère jusqu’à ce qu’ils enflent. Puis vous vous rendiez auprès du chef pour les lui montrer. Et celui-ci ordonnait : « Celle-là, au cachot ! ».
(V. N. Gritsenko, Le Yamal du Nord sous Staline, p.133)


Vassili Dmitrievitch Bassovski, ancien prisonnier sur le projet 503 (Goulag d’Igarka puis d’Ermakovo)

« On vous envoyait au mitard pour plusieurs raisons : si vous aviez perdu vos valenkis (que quelqu’un vous avait volées), c’était de suite au cachot. Ils ne s’embêtaient pas : celui qui avait été volé était aussi celui qu’on punissait. Finissaient en cellule tous ceux qui refusaient de travailler. Y’en avait pas mal des comme ça. »
(Projet N°503 (1947-1953) Documents. Documentation. Recherches., Fascicule 2, p.128)