Batiment administratif ouest (?)



Vestiges


Plan du bâtiment administratif ouest.

Le bâtiment est aujourd’hui complètement effondré et il est impossible d’y pénétrer. Etant donné son état de conservation, il n’est pas possible de déterminer sa fonction en analysant les vestiges. D’après Vadim Gritsenko, qui se fonde sur le témoignage du détenu Marmanov, le bâtiment aurait eu une fonction administrative. C’est là qu’on aurait tenu la comptabilité du camp et élaboré les plans de construction de la voie et des ponts, tâche des arpenteurs-géomètres et des ingénieurs.




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Toiture du bâtiment administratif ouest, désormais au sol.
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La toiture du bâtiment administratif ouest, complètement effondré ; en arrière-plan, le mirador sud-ouest





Témoignages


Ce bâtiment administratif abritait la comptabilité, la section culturelle et éducative ainsi que les bureaux des constructeurs de ponts. I. D. Marmanov nous fait le récit du rôle central qu’ont eu ces hommes dans l’amélioration des conditions de vie.


Ivan Dmitrievitch Marmanov, ancien prisonnier sur le projet 501 ayant vécu dans le camp de Chtchoutchi

La mise en circulation des trains sur le tronçon Salekhard - Nadym de la voie de chemin de fer stalinienne "Tchum - Salekhard - Igarka" dans les délais impartis était presque impossible. Les cours d'eau y étaient pour quelque chose. Le temps pressait et cinq autres ponts franchissant rivières et ruisseaux étaient encore à l’état de projet. Il a été décidé de ne pas attendre la documentation des projets et de construire les ponts en mobilisant des constructeurs de ponts expérimentés qui purgeaient leur peine dans les camps du chantier 501. En l’espace d’une semaine, les constructeurs émérites ont été réunis en une seule colonne. En quelques jours, ils ont pu, après inspection des points de passage, rassembler tout le matériel nécessaire à la détermination des longueurs et des structures des ponts, à l'exception des données géologiques. La collecte de ces données avait été réalisée trois mois auparavant, mais elle manquait pour deux cours d’eau.
Les constructeurs de ponts élaboraient jusqu’au couvre-feu des plans de travail dans les locaux de la PPU, situés dans la partie administrative du camp et dont l'entrée se faisait par un passage supplémentaire surveillé par des gardiens non armés, en service 24 heures sur 24.

Les constructeurs de ponts travaillaient de huit heures du matin à dix heures du soir. Le repas leur était apporté sur le lieu de travail afin de gagner du temps. Ils dînaient à différents moments de la journée également dans les locaux de la PPU. La nourriture était abondante. En plus de ce qui était prévu dans le menu du jour, on leur apportait des pirojkis, des beignets, du poisson frit, du kompot et du thé ; ils pouvaient à tout moment prendre un en-cas sans quitter la pièce. Le chef du camp et l'ingénieur en chef de la colonne rendaient souvent visite aux responsables de projet pendant la journée et le soir. Les structures des ponts devaient être conçues en tenant compte des matériaux de construction disponibles. Les structures métalliques ou en béton armé étaient exclues en raison de la durée de livraison. La mise en place de ponts provisoires en treillis métalliques avec des poutres de type Howe était interdite sauf autorisation spéciale du ministre des chemins de fer. Ces ponts, où l’on utilisait des structures métalliques de toutes sortes, étaient automatiquement nommés « constructions ministérielles ».

Les constructeurs de ponts de tout le chantier 501, tous réunis dans un seul et même camp, se sont rapidement montrés dignes de la confiance qu’on leur avait accordée. La construction des cinq ponts a débuté simultanément. Des projets de caissons servant d'appuis aux tabliers des ponts ont été établis pour les cours d'eau et les lits fluviaux sur lesquels les données géologiques n'avaient pas été collectées. On avait tout pour construire ces ponts : les charpentiers hautement qualifiés, les rondins de bois, le matériel pour traiter le bois et de l’enrochement. Il y avait aussi des contremaîtres qui, alors qu’ils étaient encore en liberté, avaient dû construire des caissons sur des petits cours d’eau.
Le succès fut inattendu. Tous les ponts ont été construits avant l’échéance prévue. Ce sont ces mêmes constructeurs de ponts qui ont, avec l’aide des ingénieurs, installé en deux jours une scène en plein air avec de nombreuses rangées de bancs dans le camp.

Avant la fête, on avait installé à l'entrée du réfectoire d'énormes pancartes annonçant un ensemble de représentations artistiques le 6 avril pour les participants au rassemblement.

On se préparait non seulement à l’arrivée des artistes, mais aussi à celle des constructeurs d'autres colonnes, qui avaient mis en œuvre les ponts, dont les projets avaient été établis dans l’ITL.

La construction des ponts avait permis de livrer, par wagons et en avance sur le calendrier, les matériaux de construction principaux – des rails et des traverses – destinés à relier le tronçon déjà prêt à celui construit entre-temps depuis le fleuve Nadym, en direction de Salekhard.

Le 6 avril, les représentations artistiques eurent lieu dans le camp de Chtchoutchi qui, dès lors, fut considéré comme privilégié. Les prisonniers du camp étaient très enthousiastes. Et les conditions de détention étaient bien meilleures que dans d'autres camps. La nourriture était variée. Dans les kiosques, vous pouviez acheter tout ce dont vous aviez besoin. Les détenus de cette zone travaillaient pour le résultat final, pour les décomptes, c'est-à-dire pour la liberté et pour une rémunération décente, ce qui leur permettait de subvenir à leurs propres besoins et d'envoyer un certain montant à la maison une fois par trimestre. C’est aussi pour cette raison que la discipline régnait dans le camp, ce qui plaisait non seulement aux gardiens, mais aussi aux dirigeants.
(I. D. Marmanov, Le pays du soleil de bois, p. 38-40)